La place Vendôme
Rien n'est plus comme avant sur la place Vendôme.
Sa colonne enroule au soleil de juin
les scènes ciselées des guerres de l'Empire.
Qui leur prête attention ?
Qui même se souvient des exploits qui firent tant rêver le grand Napoléon ?
de ces peuples écrasés par l'empereur Romain
dont la mémoire le défie sur le marbre lointain de la colonne Trajane ?
Les Daces valent-ils les hommes d' Austerlitz?
L'histoire s'est tue là, dans un grand miroir bleuté
où le ciel partage ces images avec les voitures qui passent.
Quelques touristes avancent portant leur appareil photographique,
au milieu des véhicules noirs, compassés et brillants
qui stationnent devant les magasins de luxe,
attendent leur clientèle choisie ou repartent avec de riches livraisons .
La colonne Vendôme lance à son sommet
comme un oiseau oublié
la statue trois fois refaite et qui s'impose,
on ne s'inquiète plus de savoir pourquoi .
Les pages du passé
vert-de-gris, bronze patiné,
s'inscrivent à notre insu sur les bijoux des vitrines,
entre les rubis d'une broche déployant sa forme de libellule,
ou les diamants que martèlent des lions sur une bague ou un pommeau de canne.
Jadis un roi voulut une place qui fût grandiose
pour incarner son règne,
un empereur le suivit qui voulut dominer l'histoire.
Que reste-t-il ?
Le temps efface les distances ; ici l'espace s'arrondit
comme le cadran prestigieux d'une montre
dans un vaste mouvement de marchands, de commis, d'argent brassé et de joyaux !
On n'entend plus sur la place Vendôme
chanter dans la colonne le bronze d'Austerlitz,
ni les échos antiques des vaincus de Trajan.
Un nom seul flotte sur la ville,
celui d'une chanson presque oubliée,
celui d'une ville qui l'a donné à une place de Paris :
Vendôme, Vendôme !
« Mes amis que reste-t-il à ce dauphin si gentil ?
Orléans , Beaugency, Notre dame de Cléry...
Vendôme... »
Que reste-t-il de la place Vendôme ?
Une chanson et des rubis,
un lieu paisible dans Paris...
Août septembre 2023
Anne Charrade
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